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Spectroscope à réseau

Ce TP aborde le principe d'un spectroscope à réseau utilisé dans le domaine visible. Cet appareil permet d'accéder aux longueurs d'ondes de différentes raies spectrales, à partir de mesures d'angles de déviation. Il est l'occasion de montrer ses talents d'expérimentateurs devant un appareil de précision tel que le goniomètre.

Responsables : O. Frantz, J. Geandrot

Objectif

  • Mesurer une densité de traits d'un réseau à partir de raies de longueur d'onde connue.
  • Déterminer la longueur d'onde des raies de l'hydrogène.
  • Utiliser un logiciel de régression pour vérifier la formule de Rydberg-Ritz.

Critères de notation

  • Précision et soin des mesures : le goniomètre est un appareil très précis.
  • Réflexion sur les incertitudes.

Prérequis : voir par exemple ce cours sur les réseaux.

Aspects théoriques

Le réseau de fentes

On appelle réseau plan le système optique constitué par un grand nombre de fentes fines parallèles équidistantes (traits du réseau) situées dans un même plan. Le réseau est caractérisé par son pas $a$, distance séparant deux fentes consécutives. On définit la densité de traits $n=1/a$ (nombre de traits par mètre).

Réseau de fentes.

Un réseau diffracte la lumière dans un plan perpendiculaire aux fentes. L'angle de diffraction dépendant de la longueur d'onde du rayonnement, le réseau constitue un système dispersif efficace.

Diffraction par un réseau

Théorie élémentaire

Le réseau est supposé éclairé par des rayons parallèles (c'est le rôle du collimateur du goniomètre) faisant un angle $\alpha$ avec la normale au réseau. On observe les rayons diffractés dans une direction repérée par l'angle de déviation $D$. Ces rayons interfèrent entre eux à l'infini. On les observe grâce à une lunette auto-collimatrice.

Réseau en incidence normale
Réseau en incidence normale ($\alpha=0$).

Ces rayons interfèrent constructivement (l'intensité sera maximale) lorsque ces ondes sont en phase, c'est à dire lorsque la différence de marche $\delta$ (ie le décalage entre les deux ondes) est un multiple de la longueur d'onde $\lambda$.

Deux ondes en phase qui se superposent donnent une onde plus intense
Deux ondes en phase qui se superposent donnent une onde plus intense.

Ces rayons vont interférer destructivement (l'intensité sera minimale) lorsque ces ondes sont en opposition de phase (\(p=k\,\lambda+\lambda/2 \quad k\in\mathbb{Z}\)).

Deux ondes décalées d'une demie longueur d'onde s'annihilent
Deux ondes décalées d'une demie longueur d'onde s'annihilent.

On obtient la loi des réseaux, en exprimant la différence de marche entre deux rayons parallèles, qui émergent du réseau dans la direction donnée par l'angle de déviation D : \[ \boxed{a\left[\sin(D+\alpha)-\sin(\alpha)\right]=p\lambda} \] où $p$ est un entier relatif appelé ordre de diffraction, qui représente le numéro des séries de raies. On montre que lorsque l'on éclaire un grand nombre de fentes (ce qui est le cas ici) l'intensité lumineuse se concentre dans les directions données par la loi des réseaux.


Simulation

L'applet ci-dessous, simule la position des raies de diffraction en fonction du type de source et de la position du réseau. Jouez avec cette simulation pour appréhender le phénomène. Notez que lorsque la lunette vise une raie, la valeur de l'ordre $p$ s'affiche.


On remarque que pour l'ordre $p=0$, on a $D=0$ quelle que soit la longueur d'onde : une partie de la lumière traverse le réseau sans être déviée. En revanche, pour les ordres $p\neq 0$, la déviation $D$ est fonction de la longueur d'onde : le système est donc bien dispersif. Avec une lampe spectrale, pour $p=0$, on observe ainsi une raie de la même couleur que la lampe; ensuite, en modifiant la direction d'observation, pour chaque ordre $p\neq 0$, on constate une série de raies de couleur. Les ordres correspondant à chaque série de raies sont numérotés en partant de la raie centrale, d'ordre nul (pas de déviation) et en comptant à l'œil les récurrences de raies de même couleur.

En incidence normale sur le réseau ($\alpha=0$) la loi donne : \[ \boxed{\sin D=p\,\lambda/a} \] Cette loi permet d'avoir accès à la densité de traits $n=1/a$ à partir de la mesure de la déviation si on connaît la longueur d'onde et l'ordre.

Le spectroscope à réseau

Rappel : Les lampes spectrales sont fragiles; elles ne supportent pas les allumages et extinctions répétitifs. Donc, n'éteignez les lampes que lorsque vous êtes sûr de ne plus les utiliser (il faut attendre au moins 20 minutes avant de les rallumer).

Le spectroscope est un appareil destiné à la mesure de la longueur d'onde des raies spectrales qui composent une source lumineuse, à l'aide d'un système dispersif. On utilise ainsi un goniomètre (appareil de mesure d'angles) sur lequel on place un réseau de fentes parallèles qui disperse la lumière par diffraction.

Goniomètre vue de profil Goniomètre vue de dessus Collimateur. La molete sert à ouvrir plus ou moins la fente d'entrée

Les éléments du Spectro-Goniomètre
(cliquez pour agrandir)

Le spectroscope est composé de 4 parties :

  • Une plate-forme mobile autour d'un axe vertical destinée à recevoir le réseau (on vérifiera qu'il est bien au centre de la plate-forme).
  • Une lunette auto-collimatrice mobile recueille les rayons sortants du réseau.
  • Un collimateur fixe constitué par une fente de largeur réglable, placée dans le plan focal objet d'une lentille convergente. La fente est éclairée par la source à étudier.
  • Un microscope permettant la lecture des angles à la minute près (1'= 1/60°).
Lecture des angles au microscope

Pour la lecture des angles,

  • repérer d'abord où se situe le 0 du vernier (=la graduation fine). Dans l'exemple, il est entre 179 et 180°.
  • Ensuite, la coïncidence entre une graduation du vernier et la graduation principale donne la précision supplémentaire.

Lors des mesures, pour plus de précision, le plateau et la plate-forme seront d'abord tournés grossièrement, avant d'être fixés (grâce à la vis sous la lunette) puis tournés finement (à l'aide de la molette sur le côté de la lunette), toujours en alignant la partie verticale du réticule (la croix superposée à l'image) et le côté fixe de la fente, en regardant dans la lunette.

Réglage de la lunette auto-collimatrice

Dans la lunette, entre oculaire et objectif se trouve un réticule (2 fils croisés) que l'on peut éclairer en basculant un miroir semi-transparent (molette sur le côté en haut à droite de la lunette). La lunette est bien réglée lorsque le réticule est au foyer image de l'objectif et au foyer objet de l'oculaire; elle est alors afocale : elle donne d'un objet à l'infini une image à l'infini (visible par un oeil normal sans accommoder), comme la lunette astronomique. Pour obtenir le réticule au foyer, on procède à un réglage par auto-collimation.

  • Régler le tirage de l'oculaire pour voir nettement sans accommoder le réticule.Ce dernier, est alors dans le plan focal de l'oculaire.
  • Basculer le miroir semi-transparent (petite manette sur la droite de la lunette) pour éclairer le réticule et appliquer un miroir plan contre l'objectif et régler le tirage de l'objectif, par rotation du bouton moletté, pour que l'image du réticule soit dans le même plan que le réticule : on voit alors deux réticules aussi net l'un que l'autre. Le réticule se trouve alors dans le plan focal de l'objectif.

Réglage du collimateur.

Le réglage du collimateur se fait réticule non éclairé.

Goniomètre vue de profil
Une lampe spectrale à Mercure
(cliquez pour agrandir)
  • Allumer la lampe spectrale
  • Amener la lampe spectrale au cadmium au plus près de la fente du collimateur.
  • Viser le collimateur avec la lunette en confondant à peu près leurs axes optiques respectifs. Tourner la bague du collimateur de façon à voir une image nette de la fente (à travers la lunette), cette image est alors à l'infini (puisque la lunette a été préalablement réglée en vision à l'infini).

Mesures

Densité de traits du réseau (méthode de l'incidence nulle)

On utilise une lampe à vapeur de mercure ou de cadmium pour trouver la densité de traits du réseau utilisé. Voici la longueur d'onde des raies les plus visibles :

Lampe spectralelongueur d'onde (nm)couleur
Sodium615,8orange
589,3jaune
568,5vert-jaune
Mercure579,0jaune
576,9jaune
546,0vert
491,6vert-bleu (faible)
435,8bleu-indigo
407,8violet (faible)
404,6violet
Cadmium643,8rouge
632,5rouge (faible)
611,1rouge (faible)
509,9vert (faible)
508,5vert
480,0bleu
467,8bleu
441,4indigo (faible)

On cherche à placer le réseau en incidence nulle, c'est-à-dire parfaitement perpendiculaire à l'axe du collimateur, afin de simplifier la loi des réseaux. On place d'abord la lunette de manière parfaitement alignée avec le collimateur, en visant la fente. Ensuite, on bascule le miroir semi-transparent de la lunette et on utilise le réseau pour renvoyer la lumière émise (collimation par le réseau). Si le fil vertical du réticule coïncide avec le fil vertical du réticule image, alors le réseau est en incidence nulle, parfaitement perpendiculaire à l'axe optique. Utiliser la molette de réglage fin pour un réglage précis.

Il ne faut plus bouger le réseau ou sa plate-forme par la suite. En revanche, la lunette reste mobile pour repérer les angles des ordres non nuls.

Mesure de la constante de Rydberg

lampe-hydrogene-balmer
Une lampe spectrale à hydrogène
(cliquez pour agrandir)

Le spectre de l'hydrogène est obtenu en utilisant comme source un tube de Geissler. Ce tube produit les premières raies de la série de Balmer auxquelles se superposent un spectre continu faible et un spectre beaucoup plus riche en raies dû à la molécule de di-hydrogène.

Balmer a étudié les raies visibles de l'hydrogène et a observé que les longueurs d'onde vérifiaient une loi du type \[\frac{1}{\lambda}=R_{H}\left(\frac{1}{4}-\frac{1}{m^{2}}\right)\] où $m$ est un entier supérieur à 2 et $R_{H}$ une constante appelée constante de Rydberg. Les quatre raies visibles sont notées :

  • $H_{\alpha}$ raie rouge ($m=3$)
  • $H_{\beta}$ raie bleu-verte, turquoise ($m=4$)
  • $H_{\gamma}$ raie bleue-violette ($m=5$)
  • $H_{\delta}$ raie violette ($m=6$) (peu visible)

La mesure des angles de déviation des raies par le réseau étudié précédemment permet, en utilisant la loi des réseaux, de retrouver la longueur d'onde des raies de Balmer.

Méthode de la déviation minimale

Quand on fait varier l'angle d'incidence $\alpha$ (on tourne le plateau support du réseau), en suivant les raies à travers la lunette, on observe qu'elles se déplacent dans un sens puis rebroussent chemin : l'angle de déviation passe par un minimum $D_{m}$. Exprimons cet angle.

En différentiant la loi des réseaux, on obtient $(1+{\text{d}{D}}/{\text{d}\alpha})\cos(D+\alpha)-\cos\alpha=0$. À l'extremum ${\text{d}{D}}/{\text{d}\alpha}=0$ ce qui implique $\cos(D_{m}+\alpha)=\cos\alpha$ c'est à dire (en excluant $D=0$ qui correspond à l'ordre 0) \[D_{m}=-2\alpha\] On en déduit, en reprenant la loi des réseaux, \[2\sin\frac{D_{m}}{2}=p\,\lambda/a\]

La mesure de l'angle de déviation minimale permet ainsi de retrouver soit une longueur d'onde, soit la densité de trait d'un réseau. Cette mesure s'affranchit du placement en incidence nulle du réseau, source d'imprécision.

Tâches

Préparation

On rappelle la loi des réseaux en incidence normale : \[ \sin D=p\,\lambda/a \]

  • À partir de l'ordre nul, en bougeant la lunette, quelle sera la couleur de la première raie observée? rouge ou violette?
  • Sachant que la déviation $D$ est comprise entre -90 et 90°, que la raie rouge du cadmium a pour longueur d'onde $\lambda=643{,}8$ nm, calculer l'ordre maximal $p_{\mathrm{max}}$ (pour $1/a\simeq 3.10^5\,\mathrm{m}^{-1}$). En déduire le nombre d'apparitions de la raie (lorsque la direction d'observation varie).
  • Chercher sur internet les longueurs d'onde précises des raies de la série de Balmer. Sont-elles toutes visibles à l'œil nu?

Manipulations

Régler le goniomètre à l'aide de la lampe à vapeur de cadmium ou de mercure. (15')


Densité de traits du réseau (méthode de l'incidence nulle) (45')

  1. Repérer l'angle $\theta_{0}$, proche de 180° qui correspond à l'ordre 0 (raie non dispersée). Bloquer la lunette dans cette position (la lunette est ainsi alignée avec le collimateur).
  2. Ouvrir la fente et repérer rapidement les différents ordres en déplaçant la lunette. Remarquer qu'il faut viser le côté fixe de la fente lorsque celle-ci est trop ouverte et non pas le milieu, qui est difficile à viser à l'œil nu.
  3. Placer le réseau perpendiculairement au faisceau lumineux à l'aide du réticule et de la lampe interne à la lunette (cf. réglage en incidence nulle).
  4. Pour chaque raie $\lambda$ et les ordres de $p$ -2,-1,1 et 2, relever sur le goniomètre les angles $\theta$ correspondants.
  5. Effectuer un traitement informatique à l'aide du logiciel de régression de votre choix, pour tracer \(\sin D\) en fonction de \(p\,\lambda\) et ainsi trouver la densité de traits $n$ et son incertitude. On rappelle que la déviation vaut $D=\theta-\theta_0$.

Mesure de la constante de Rydberg (30')

  1. Mesurer les déviations correspondants aux quatre raies visibles, pour différents ordres $p$. Attention, la raie $m=6$ est peu visible.
  2. Connaissant la densité de traits du réseau mesurée précédemment, déduire de ces déviations la longueur d'onde de chacune des raies.
  3. En portant ${1}/{\lambda}$ en fonction de $(1/4-1/m^{2})$, retrouver la loi de Rydberg-Ritz et donner la constante de {Rydberg} et son incertitude en utilisant un traitement informatique. La valeur théorique est $R_H=1{,}097.10^7~\mathrm{m^{-1}}$

Densité de traits du réseau (méthode de la déviation minimale) (30')

  1. Suivre (avec la lunette) le parcours d'une raie spectrale lorsque la plate-forme (qui porte le réseau) tourne. Observer que les raies se rapprochent de l'axe du collimateur puis font demi-tour. Le moment où elles font demi-tour correspond bien à une déviation minimale (c'est-à-dire la plus proche de D=0 possible).
  2. Mesurer avec soin la déviation minimale correspondant aux raies du cadmium pour plusieurs ordres $p$. En déduire la densité de traits et son incertitude. Comparer avec la valeur trouvée précédemment.
★★★

Pour aller plus loin : spectroscopie d'absorption

Matériel

  • Un goniomètre ;
  • un réseau de diffraction ;
  • une lampe spectrale (Cadmium ou Sodium ou Mercure) sur un support avec son alimentation ;
  • une lampe spectrale à Hydrogène sur un support avec son alimentation ;
  • un miroir plan.