TP : mesure de la vitesse du son
Responsable : J. Roussel
Objectif : ce TP utilise un dispositif inventé en 1866 par August Adolph Kundt1 qui permet de mesurer la vitesse du son dans les gaz à partir des ondes acoustiques stationnaires qui y règnent.
Prérequis : notions élémentaires sur les ondes.
Aspects théoriques
Les ondes acoustiques
Une onde acoustique est une perturbation de la pression locale qui se propage au sein d'un milieu matériel. Cette perturbation s'accompagne d'une variation de densité se propageant à la même vitesse. Il s'agit donc d'une onde scalaire et longitudinale.
Rappel : une onde est longitudinale lorsque la vibration a la même direction que la propagation. Une onde est transversale quand la vibration est perpendiculaire à la direction de propagation. La lumière est une onde transversale et le son est une onde longitudinale.
Si l'on considère une propagation suivant l'axe des $x$, la pression locale $P(x,t)$ s'écrit \[ P(x,t)=P_{0}+p(x,t)\] où $P_{0}$ est la pression moyenne ($\simeq$ 1 atm ici) et $p(x,t)\ll P_{0}$ la perturbation de pression. On montre que $p(x,t)$ vérifie l'équation d'onde \[ \frac{\partial^{2}p}{\partial x^{2}}-\frac{1}{{c_{\mathrm{s}}}^{2}}\frac{\partial^{2}p}{\partial t^{2}}=0\] avec $c_{\mathrm{s}}$ la vitesse du son. Dans un gaz de masse molaire $M$ et de température $T$, on a
\begin{equation} \boxed{\displaystyle c_{\mathrm{s}}=\sqrt{\frac{\gamma\,R\,T}{M}} \quad\text{avec}\quad \left\{\begin{array}{rcl} \gamma & = & \dfrac{C_{\rm p}}{C_{\rm v}} \\[2mm] R & = & 8,315\,\mathrm{J.K^{-1}.mol^{-1}} \end{array}\right.} \label{eq:vitesse_du_son_dans_un_gaz} \end{equation}La détermination de la vitesse du son dans un gaz permet donc de déduire le coefficient calorimétrique \(\gamma=C_\text{p}/C_\text{v}\) du gaz.
Les solutions de l'équation d'onde sont de la forme \(p(x,t)=f(t-x/c_{\mathrm{s}})+g(t+x/c_{\mathrm{s}}) \) où $f(t-x/c_{\mathrm{s}})$ est une onde qui se propage vers les $x>0$ et $g(t+x/c_{\mathrm{s}})$ une onde se propageant vers les $x<0$. Pour une onde harmonique de pulsation $\omega$, de fréquence $\nu=\omega/2\pi$ on écrira : \[ p(x,t)=A_{1}\cos\left(\omega(t-x/c_{\mathrm{s}})+\phi_{1}\right)+A_{2}\cos\left(\omega(t+x/c_{\mathrm{s}})+\phi_{2}\right)\] Enfin, par définition, la longueur d'onde $\lambda$ est la distance parcourue par l'onde pendant une période :
\begin{equation} \boxed{\displaystyle \lambda=\frac{c_{\mathrm{s}}}{\nu}=\frac{2\pi c_{\mathrm{s}}}{\omega}} \end{equation}Pour un son audible se propageant dans l'air, la longueur d'onde peut varier entre quelques mm et quelques m.
Ondes stationnaires
Lorsque l'on envoie une onde progressive sur un obstacle en incidence normale, celui-ci la renvoie dans l'autre sens. Cette onde réfléchie interfère avec l'onde incidente pour former une onde qui sera dite stationnaire si l'obstacle est parfaitement réfléchissant.
Démonstration
Considérons le cas où l'obstacle, fixé en O, réfléchit complètement l'onde incidente (i pour incident et r pour réfléchi) et intéressons-nous au déplacement $\epsilon(x,t)$ d'une particule d'air situé en $x$ à l'instant $t$ (le déplacement des particules de fluide obéit à la même équation d'onde) : \[ \epsilon(x,t)=A_{\mathrm{r}}\cos\left(\omega t-\frac{2\pi x}{\lambda}+\phi_{\mathrm{r}}\right)+A_{\mathrm{i}}\cos\left(\omega t+\frac{2\pi x}{\lambda}+\phi_{\mathrm{i}}\right)\] L'obstacle étant fixe, le déplacement du fluide est nul à la surface de celui-ci. Par conséquent, en $x=0$, on a \[ 0=A_{\mathrm{r}}\cos(\omega t+\phi_{\mathrm{r}})+A_{\mathrm{i}}\cos(\omega t+\phi_{\mathrm{i}})\quad \forall t \] ce qui implique \(\phi_{\mathrm{r}}=\phi_{\mathrm{i}}+\pi\) et \(A_{\mathrm{r}}=A_{\mathrm{i}}\). L'onde réfléchie est en opposition de phase avec l'onde incidente de sorte que l'onde résultante s'écrit \[ \epsilon(x,t)=2A_{\mathrm{r}}\sin(\omega t+\phi_{\mathrm{r}})\sin\left(\frac{2\pi x}{\lambda}\right) \] Si le signal acoustique est une onde sinusoïdale d'amplitude $a$ produite par un haut-parleur placé en $x=L$, on a une autre condition aux limites : \[ \epsilon(L,t)=a\sin\omega t=2A_{\mathrm{r}}\sin(\omega t+\phi_{\mathrm{r}})\sin\left(\frac{2\pi L}{\lambda}\right) \quad\Rightarrow\quad \left\{\begin{array}{rcl} \phi_{\mathrm{r}} & = & 0 \\ 2A_{\mathrm{r}}\;\sin\left(\frac{2\pi L}{\lambda}\right) & = & a \end{array}\right.\] d'où l'on déduit \begin{equation} \boxed{\epsilon(x,t)=a\;\frac{\sin\left(2\pi x/\lambda\right)}{\sin\left(2\pi L/\lambda\right)}\sin(\omega t)} \label{eq:onde_de_deplacement} \end{equation} L'onde est donc stationnaire en ce sens qu'elle s'exprime comme $\epsilon(x,t)=f(x)g(t)$ : il n'y a plus propagation.
Il existe des points de l'espace, appelés nœuds où l'amplitude est constamment nulle. Ces nœuds sont tels que $2\pi x/\lambda=k\pi$. Ainsi, deux nœuds voisins sont séparés par
\begin{equation} \boxed{\displaystyle d_{nn}=\frac{\lambda}{2}} \label{eq:distance_entre_deux_noeuds} \end{equation}Les points de l'espace où l'onde passe par une amplitude maximale sont les ventres de l'onde stationnaire. Ils vérifient $\frac{2\pi x}{\lambda}=(2k+1)\frac{\pi}{2}$ de sorte qu'ils sont séparés par
\begin{equation} \boxed{\displaystyle d_{vv}=\frac{\lambda}{2}} \label{eq:distance_entre_deux_ventres} \end{equation}Résonance d'une onde stationnaire
L'amplitude des ventres dépend du terme \(\sin\left(2\pi L/\lambda\right)\). Lorsque \(L\) est un multiple de \(\lambda/2\), on observe une résonance qui se traduit par une amplitude maximum des ventres.
Remarque : D'après \eqref{eq:onde_de_deplacement}, lorsque \(L=n \lambda/2\), l'onde est théoriquement infinie sur les ventres. Bien sûr, pour des raisons évidentes (dissipation d'énergie) l'amplitude n'est pas infinie ; juste grande.
Condition de résonance
\begin{equation} L=n\,\frac{\lambda}{2} \quad\Rightarrow\quad \nu_{n}=n\frac{c_{\mathrm{s}}}{2L} \quad\text{avec}\quad n\text{ entier} \label{eq:resonance_kundt} \end{equation}Cette condition de résonance est mise à profit dans les caisses de résonance des instruments de musique pour amplifier certaines harmoniques.
Manipulation
Le tube de Kundt
Il s'agit d'un cylindre dans lequel un haut-parleur envoie une onde acoustique. On place un obstacle dans le tube, de façon à former une cavité cylindrique dans laquelle règne un système d'onde quasi-stationnaire. Le haut-parleur est alimenté par un GBF en mode sinus.
Le microphone est un transducteur qui produit une tension proportionnelle à l'onde de pression. Il peut coulisser dans la cavité pour enregistrer le signal acoustique en un point donné. Le signal sortant du microphone est amplifié puis envoyé sur un oscilloscope.
Pour augmenter le signal reçu, on peut donc, soit augmenter le gain d'amplification (tourner le bouton de l'ampli), soit augmenter l'amplitude du signal délivré par le GBF.
Première mesure de $c_{\mathrm{s}}$ (1 H max)
Le principe est simple : en mesurant la fréquence et la longueur d'onde à partir de la position \(x_i\) des noeuds, on remonte à la vitesse du son via \(\lambda=c_\text{s}/\nu\).
Commencez par allumer les appareils (ne pas oublier l'amplificateur du microphone), puis observez le signal à l'oscilloscope. Observez l'alternance de nœuds et ventres en déplaçant le microphone.
Réalisez 8 mesures pour des fréquences comprises entre 500 Hz et 3 000 Hz. On rentrera dans un tableau \[ \nu\quad |\quad x_i\quad|\quad x_{i+p}\quad|\quad p\] où \(x_i\) est la position d'un nœud et \(x_{i+p}\) est celui du p-ième nœud suivant.
Quelques conseils
Si l'amplificateur sature, il faut soit diminuer le facteur d'amplification, soit baisser l'amplitude du signal envoyé sur le haut parleur.
Si le signal fluctue à cause du bruit ambiant capté par le micro, on peut l'éliminer par une opération de moyenne : dans le panneau -Menu-, appuyez sur Acquire
$\blacktriangleright$ Acquisition
$\blacktriangleright$ Average
et ajustez à la valeur 16.
En général, on gagne en précision quand les mesures sont effectuées au voisinage d'une résonance.
Rentrez les incertitudes-types puis créez les grandeurs \(\lambda\) et \(1/\nu\). Portez \(\lambda\) en fonction de \(1/\nu\). La loi \(\lambda=c/\nu\) est-elle vérifiée ? En déduire une première valeur de la vitesse du son dans l'air.
Deuxième mesure de $c_{\mathrm{s}}$
La détermination des fréquences de résonance permet de déduire la vitesse du son à l'aide de la formule \ref{eq:resonance_kundt}. Procédez comme suit :
- Fixez la longueur de la cavité à la valeur \(L=70\,\mathrm{cm}\) et la fréquence à la valeur \(\nu=500\,\mathrm{Hz}\).
- Fixez le microphone au voisinage du piston : il se trouve alors sur un ventre de pression.
- Faites croître la fréquence et repérez les 10 premières fréquences de résonance qui rendent l'amplitude du ventre maximum.
- Remplissez dans REGRESSI™ un tableau avec les valeurs $n$ et $\nu_n$. Portez $\nu_{n}$ en fonction de $n$. La loi \eqref{eq:resonance_kundt} est-elle vérifiée ?
Le piston n'est en fait pas parfaitement rigide. De ce fait une partie de l'énergie acoustique est transmise au piston de sorte que l'onde réfléchie est moins intense que l'onde incidente et son déphasage différent de \(\pi\). On montre qu'il faut corriger la relation \eqref{eq:resonance_kundt} qui devient alors \[ \nu_n=\frac{c}{2L}(n-n_0) \quad\text{avec}\quad n_0\text{ un réel compris entre -1/2 et 1/2} \]
- Ce modèle convient-il mieux ? En déduire une autre détermination de la vitesse du son.
- Confrontez les deux valeurs de la vitesse du son. Ces deux mesures sont elles compatibles ? Si oui, calculez la valeur moyenne ainsi que son incertitude.
Calcul du facteur $\gamma$ de l'air
Mesurez la température de la salle puis calculez le facteur $\gamma$ de l'air ainsi que son incertitude (on pourra négliger l'incertitude sur la température et la masse molaire).
Donnée : La masse molaire de l'air vaut 29,0 g/mol.
Attention : ne pas oublier d'éteindre le petit ampli en fin de manip !
1. A.A. Kundt (1839-1894) : Physicien allemand qui fut professeur au Polytechnique de Zürich en 1868 et à Würzburg à partir 1869. Fondateur en 1872 de l'Institut Physique de Strasbourg, il finit sa carrière en tant que directeur de l'institut physique de Berlin.
Matériel
- Un tube de Kundt avec le haut-parleur associé ;
- un microphone et son amplificateur ;
- un générateur basse fréquence (GBF);
- un oscilloscope numérique RIGOL DS 1102E.